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Tout est pardonné

charlie, liberté, journalistes

 

 

     Introuvable ! Le journal Charlie Hebdo, menacé de fermeture début janvier, venait de tirer à plusieurs millions d’exemplaires distribués dans le monde entier, et j’avais été incapable de m’en procurer un.

     Heureusement, on me l’a prêté. Je viens de le lire. C’était la première fois…

     Je pose le journal sur mon bureau et examine le dessin de Luz qui fait la une de l’hebdomadaire. Les yeux globuleux du personnage habillé en Mahomet me fixaient étrangement…

     Le journal à peine sorti, les médias parlaient déjà de manifestations, de morts, d’églises brûlées. Le dessin représentant cet homme qui continuait à me fixer tristement étaient la cause de ces violences. Je ne comprenais pas…

     Dimanche dernier, j’avais été surpris, heureux, ému de voir des millions de personnes en France et à l’étranger, de toutes appartenances politiques, de toutes confessions, anonymes, responsables politiques, intellectuels, dignitaires religieux, tous ces français que l’on disait crispés, pessimistes, doutant de tout, descendre dans la rue pour une marche républicaine en proclamant : Je suis Charlie…

     Aujourd’hui, dans ce blog habituellement consacré à ma passion pour la peinture, je cherche les raisons qui m’incitent à parler d’un dessin, un simple dessin que l’on nomme « caricature ». Comment pouvait-on tuer des hommes et femmes pour un dessin, pensai-je ?

     Ce dessin est devant moi. Je l’examine attentivement pour tenter de comprendre…

     Je la trouve touchante cette image de pardon : le prophète Mahomet pleure sur l’écriteau « Je suis Charlie » qu’il tend, comme les milliers de personnes dans la rue dimanche. Je ne voyais pas où se trouvait l’insulte, la provocation dont certains parlaient ? Le prophète de l’islam ne pourrait-il être représenté, dessiné ? Ce chef religieux serait donc l’incarnation d’un dieu omnipotent s’offusquant devant des moqueries ou rires ? Je ne pouvais le croire…

     Le papier de la première page sur fond vert me renvoyait l’apparence d’un homme, simple être humain, malheureux… Il partageait la peine des membres de la rédaction du journal : « les survivants ». Avec eux, il pleurait ces journalistes que la folie meurtrière d’intégristes religieux fanatiques avait assassinés. Il le savait bien, lui, Mahomet, que ces journalistes  crayonnaient uniquement par plaisir et pour leur idéal de liberté d’expression en utilisant l’humour. Je suis persuadé qu’il devait être furieux de voir que des terroristes haineux se revendiquant de sa religion semaient la terreur dans le monde…

     Le prophète ne me quittait pas du regard, compatissant.

     Je repensais au tableau d’Eugène Delacroix « La liberté guidant le peuple » montrant le soulèvement parisien de juillet 1830, et ce Gavroche, fier, au premier rang, marchant vers la mort à la seule évocation du mot « liberté ». Dans notre histoire, combien d’hommes et de femmes étaient tombés au nom de la démocratie et, toujours, pour cette liberté ? Je me souvenais qu’étant adolescent une question me taraudait constamment : pourquoi les grandes religions qui revendiquaient la paix et la tolérance dans leur culte avaient pu engendrer tant de violences à travers les siècles ? Et cela continuait encore aujourd’hui… 

 

     Tu es perturbé mon ami, pensai-je ?… Sans soute l’émotion devant les événements de cette semaine agitée ? Il venait de se passer quelque chose d’important dont je ne mesurais pas encore bien l’ampleur. Une évidence s’immisçait en moi : Il y aurait désormais un avant et un après Charlie.

     Dans quel sens irait l’histoire maintenant ? Les hommes pourraient-ils un jour parler, penser, s’exprimer librement partout dans le monde ? Liberté, égalité, fraternité, les idéaux de 1789…

     Il ne faudrait surtout pas que Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, et tous les autres, soient morts pour rien…

 

 

 

Commentaires

  • Je n'ai pas pu moi non plus me procurer ce numéro qui semble introuvable. Mais je compte le faire dès que ce sera de nouveau possible : si les dessins sont devenus des armes, je veux avoir chez moi des munitions pour les combats à venir.
    Il me semble qu'au point où on en est, ces dessins ne sont plus que des prétextes, et que ce sont deux visions du monde qui s'affrontent. Pas seulement chez les musulmans pieux, puisqu'on voit que de nombreux chrétiens (et d'autres, sans foi, mais ennemis perpétuels de toute liberté) sont d'accord pour dire qu'il ne fallait pas publier cela.
    Aux armes, dessinateurs, chargez tous vos crayons, et marchez sans peur. C'est la liberté de s'exprimer par le rire qu'il faut défendre, liberté dont découlent TOUTES les autres.

  • Nous sommes dans le même combat, Carole. Le fondamentalisme s’insinue un peu partout dans le monde et nous voyons bien que nous sommes incapables de trouver des solutions efficaces. Les inégalités de toutes sortes fourbissent les armes. Les paroles, les armes, les stylos, l’humour, ne suffiront pas.
    Alors... l’éducation, la culture, les arts, pourraient être une grande partie de la solution… Cela prendra beaucoup de temps.

  • Je présume, Alain, qu'en France, vous avez vu ce film de Daniel Leconte - que personnellement, je viens de seulement découvrir -, qui relate en une centaine de minutes le procès qui fut fait à Paris au seul "Charlie-Hebdo" (?), en février-mars 2007, suite à la publication dans ses pages, mais aussi dans celles de deux autres journaux français, des caricatures de Mahomet : http://nobody4.free.fr/CH/CH.mp4

    J'en retiendrai les mots, très justes, d'Élisabeth Badinter qui, à une des audiences, exprima le fait que se taire, ne pas continuer à avancer ses opinions, serait consentir au "silence qui accompagne l'agonie de la liberté".


    Merci Alain pour ta présente contribution à la défense de la liberté d'expression ...

  • Oui, Richard, les journaux français avaient déjà eu des problèmes dans le passé et, depuis, Charlie Hebdo s’enfonçait lentement vers la fermeture.
    Que ne ferait-on pour défendre cette liberté que, dans nos pays, nous avons conquis de haute lutte !
    Je suis en accord avec Carole, Elisabeth Badinter, et tous ceux qui comme nous n’acceptons pas d’être muselés et de subir en silence. Le problème avec les religions, qui sont évidemment parfaitement légitimes, est que certains en détournent les préceptes de tolérance et de paix pour inciter au radicalisme fanatique.
    Comme je le disais à Carole, et tu le sais mieux que moi, l’enseignement, l’éducation, la culture, sont des réponses efficaces. Est-ce suffisant ?

  • C'est une guerre de religion que nous vivons là, où se mêlent sans doute croyants, extrémistes et terroristes. Le monde en a toujours connu, hélas, il suffit de feuilleter l'Histoire. Nous assistons aujourd'hui à une énorme levée de boucliers parmi des peuples qui sont simplement révoltés de voir le Prophète bafoué. Ce qui fait rire l' Europe ne fait pas rire l' Orient. Ceux qui hurlent au blasphème se sentent attaqués dans ce q'ils ont de plus profond: la foi! Une foi tellement loin de la nôtre (si on en a), qu'elle nous paraît dérisoire.
    Se comprendre c'est s'accepter. Je crains qu'il faille encore des siècles avant cet apaisement. La tolérance n'est pas pour demain. A moins que l'éducation, la culture, l'enseignement et la meilleure connaissance les uns des autres rapproche les peuples. Cela commence dans les écoles.
    Puissent nos ministres agir vite dans ce sens!
    Lorraine

  • D’accord avec vous, Lorraine, et il s’agit d’un débat important après ce qui s’est passé.
    J’approuve les propos de François Hollande hier soir. Nous n’insultons personne et nul ne peut nous empêcher d’exprimer des idées. C’est grâce à cette liberté obtenue de haute lutte que nous sommes devenus une démocratie. Ces religions ont le droit de contester, être choqués, mais l’on peut dialoguer ou faire un procès éventuellement. Par contre, assassiner, brûler des drapeaux, semer la terreur pour des dessins, il ne s’agit plus de foi mais de terrorisme. Ces hommes sont manipulés par des intégristes religieux sans foi ni loi.
    Il ne faut surtout pas se laisser intimider, et réagir. Les français, et de nombreuses personnes dans le monde l’ont bien compris le dimanche 11 janvier en marchant dans la rue au nom de la liberté d’expression.
    J’écoutais hier soir l’émission de Laure Adler « Hors champs » sur France culture qui repassait une interview de 2011 du dessinateur Cabu. Quel homme charmant. Il avait un rire d’enfant.
    Il reste effectivement l’éducation, la culture. Il y a du travail…
    Bonne fin de journée.

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